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                                                  COUR SUPRÊME DU CANADA

 

 

Référence : R. c. Burke, 2009 CSC 57, [2009] 3 R.C.S. 566

 

Date :  20091204

Dossier :  33031

 

Entre :

Sa Majesté la Reine

Appelante

et

Abede Burke

Intimé

 

Traduction française officielle : Motifs du juge Fish

 

Coram : Les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

 

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 4)

 

Motifs dissidents :

(par. 5 à 8)

 

Le juge Fish (avec l’accord des juges LeBel, Abella, Charron et Rothstein)

 

Le juge Cromwell (avec l’accord de la juge Deschamps)

 

 

______________________________


R. c. Burke, 2009 CSC 57, [2009] 3 R.C.S. 566

 

Sa Majesté la Reine                                                                                                          Appelante

 

c.

 

Abede Burke                                                                                                                            Intimé

 

Répertorié : R. c. Burke

 

Référence neutre : 2009 CSC 57.

 

No du greffe : 33031.

 

2009 : 19 novembre; 2009 : 4 décembre.

 

Présents : Les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.

 

en appel de la cour d’appel du québec

 


Droit criminel — Arrestation sans mandat — Motifs raisonnables — Accusé acquitté au procès pour infraction relative à des drogues — Conclusion de la juge de première instance selon laquelle l’agent de police n’avait pas de motifs raisonnables d’arrêter l’accusé sans mandat — La juge de première instance a‑t‑elle imposé un fardeau plus lourd que la norme des motifs raisonnables dans le cas d’une arrestation sans mandat? — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 495(1) c).

 

Un agent de police a arrêté l’accusé sans mandat et, en procédant à une fouille accessoire à l’arrestation, a trouvé dans la poche de ce dernier un sac contenant du crack.  Au moment de l’arrestation, l’agent n’a pas vérifié la prétention de l’accusé selon laquelle il était le frère de la personne visée par le mandat.  Cependant, il a été confirmé au poste de police que l’accusé n’était pas la personne visée par le mandat.  La juge de première instance a acquitté l’accusé sur un chef de possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic, concluant que malgré la ressemblance de celui‑ci avec son frère, l’agent n’avait pas de motifs objectifs de l’arrêter, car il n’avait pas vérifié, au moment de l’arrestation, l’allégation d’erreur sur la personne formulée par l’accusé.  Elle a conclu que l’arrestation était illégale, que la fouille consécutive était déraisonnable et a exclu les éléments de preuve.  La Cour d’appel, à la majorité, a confirmé l’acquittement.  La question dans cet appel de plein droit consistait à déterminer si la juge de première instance a commis une erreur de droit en imposant un fardeau plus lourd que la norme des motifs raisonnables à l’agent de police qui procède à une arrestation sans mandat en vertu de l’art. 495  du Code criminel .

 

Arrêt (les juges Deschamps et Cromwell sont dissidents) : Le pourvoi est rejeté.

 


Les juges LeBel, Fish, Abella, Charron et Rothstein : La conclusion de la juge de première instance selon laquelle l’existence de motifs raisonnables exigée à l’art. 495 n’avait pas été établie dans les circonstances particulières de cette affaire repose essentiellement sur son appréciation de la preuve qui lui a été présentée.  Ses motifs expliquent les raisons pour lesquelles elle a jugé incompatibles, contradictoires et insatisfaisantes les déclarations de l’agent de police qui a procédé à l’arrestation sur les circonstances qui l’ont entourée. [3]

 

Les juges Deschamps et Cromwell (dissidents) : Le raisonnement de la juge de première instance impose un fardeau plus lourd que ce que prévoit l’al. 495(1)c).  Il exige du policier qu’il ait la certitude, ou à tout le moins l’assurance, plutôt que des motifs raisonnables de croire, que la personne qu’il s’apprête à arrêter est bien celle contre laquelle un mandat d’arrestation est exécutoire. [6]

 

Lois et règlements cités

 

Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 495 .

 

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Chamberland, Vézina et Côté), 2009 QCCA 85, 63 C.R. (6th) 277, 248 C.C.C. (3d) 450, [2009] J.Q. no 222 (QL), 2009 CarswellQue 192, qui a confirmé l’acquittement de l’accusé.  Pourvoi rejeté, les juges Deschamps et Cromwell sont dissidents.

 

Sonia Lebel et Benoît Lauzon, pour l’appelante.

 

Louis Belleau, en qualité d’amicus curiae.


Version française du jugement des juges LeBel, Fish, Abella, Charron et Rothstein rendu par

 

[1] Le juge Fish — Il s’agit d’un pourvoi interjeté de plein droit par le ministère public, contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé l’acquittement de l’intimé à son procès sur un chef de possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic (2009 QCCA 85, 63 C.R. (6th) 277).

 

[2] La question dans ce pourvoi consiste à déterminer si, comme le prétend le ministère public, la juge de première instance a commis une erreur de droit en imposant un fardeau plus lourd que la norme des motifs raisonnables à l’agent de police qui procède à une arrestation sans mandat en vertu de l’art. 495  du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 .

 

[3] Nous ne sommes pas convaincus qu’elle a effectivement commis cette erreur.  Elle a plutôt conclu que l’existence de motifs raisonnables exigée à l’art. 495 n’avait pas été établie dans les circonstances particulières de cette affaire.  Sa conclusion à cet égard repose essentiellement sur son appréciation de la preuve qui lui a été présentée : ses motifs, rendus de vive voix, expliquent en détail les raisons pour lesquelles elle a jugé incompatibles, contradictoires et insatisfaisantes les déclarations de l’agent de police qui a procédé à l’arrestation sur les circonstances qui l’ont entourée.

 

[4] Par conséquent et avec égards pour les tenants de l’opinion contraire, nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi.


 

Les motifs des juges Deschamps et Cromwell ont été rendus par

 

[5] Le juge Cromwell (dissident) — Jai pris connaissance des motifs de mon collègue le juge Fish, mais, avec égards pour lopinion de ce dernier, il mest toutefois impossible dy souscrire.

 

[6]  La question de droit à trancher est celle de savoir si la juge de première instance a imposé un fardeau plus lourd que celui prévu à lal. 495(1) c) du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C-46 .  Tout comme le juge Chamberland, dissident en Cour dappel du Québec, je suis davis quil faut répondre à cette question par laffirmative pour les motifs suivants :

 

La juge de première instance affirme ne pas pouvoir [traduction] « conclure que l’agent avait des raisons objectives d’effectuer l’arrestation ». Pourquoi? Parce qu’il [traduction] « ne s’est pas renseigné lorsque l’identification de l’accusé a été contestée, même si on lui disait que la personne visée par le mandat était le frère de l’accusé ». Dans le même sens, elle [traduction] « considère que l’agent avait l’obligation, vu les protestations de l’accusé et les renseignements fournis par celui-ci, d’effectuer des vérifications » et ajoute que [traduction] « la décision d’arrêter une personne sans plus amples vérifications [. . .] semble arbitraire ».

 

À mon avis, et cela dit avec beaucoup d’égards pour la juge de première instance, ce raisonnement est erroné en ce qu’il impose aux policiers un fardeau différent, et plus lourd, que ce que prévoit [l’al.] 495(1)c) C.cr . Il exige du  policier qu’il ait en quelque sorte la certitude, ou à tout le moins l’assurance, plutôt que des motifs raisonnables de croire, que la personne qu’il s’apprête à arrêter est bien celle contre laquelle un mandat d’arrestation est exécutoire.

 

(2009 QCCA 85, 63 C.R. (6th) 277, par. 23-24)

 


[7] En dépit de l’excellente argumentation de Me Belleau, amicus curiae dans cette affaire, je suis davis daccueillir le pourvoi et dordonner la tenue dun nouveau procès.

 

Pourvoi rejeté, les juges Deschamps et Cromwell sont dissidents.

 

Procureur de l’appelante : Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec, Montréal.

 

Procureurs de l’amicus curiae : Filteau & Belleau, Montréal.

 

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